Un soir, j'ai trouvé une feuille morte sur ma table. Il ne restait rien de tous les papiers noircis de mots que j'avais écrits tout l'hiver, des monceaux de feuilles enchevêtrées qui encombraient la table la veille encore, ou le matin, tout avait disparu !
Depuis des mois montant à l'assaut des arbres dans ma tête guerrière, frôlant la texture verte du végétal, le respirant, l'aspirant, le caressant, le tortillant de mots... pour retomber toujours perdant de cette alchimie, les cuisses sur ma chaise, effaré de mon désert d'encre et de papier.
Ce soir la très grande table était claire comme jamais... seule en son milieu trônait comme une reine une petite feuille toute légère et son rayonnement baignait la pièce d'une douce lumière ocrée. Je vérifiai que la lucarne au-dessus de la table était bien restée fermée, comme je vérifiai pour ainsi dire dans mes pensées qu' elle n'était pas venue faire le ménage dans ce grenier qu'elle s'était rendue si étranger.
Une toute petite feuille morte qui revenait de loin.
Je restais à l'écouter de tous mes yeux, de mes oreilles, écarquillé, attendant son mystère.
Puis je dévalai l'escalier, courant vers celle que je croyais encore retrouver.