J'aimais que les hommes aient construit leur village sur la place des platanes, leurs maisons en face des arbres à bonne hauteur, comme ça j'étais bien chez moi, en plein feuillage.
J'étais dans la barbe de mon père.
Les arbres, c'étaient mes vrais parents. En tous cas pour mon père. Mon premier père, j'étais pendu à ses bretelles, je le sens encore à mes côtes me balançant, mes yeux toujours accompagnant mes pieds dans leur va-et-vient caressant polissant la terre sous la balançoire.
J'aimais cette maison où j'avais atterri, le nez dans la lumière jaune des platanes, à même leurs oreilles, innombrables, vives comme des oiseaux, subtiles et patientes l'automne lorsqu'elles écoutent, presque résignées, mais sans nulle tristesse, plutôt économes, déjà riches d'autre chose.
Pas folles comme l'été lorsqu'elles s'élancent au vent en tirant le cou à la manière des canards sauvages, vertes dessus, jaunes sous le ventre, et qu'elles voltent soudain dans un bel ensemble de parapluies retroussés, en verts dessous, jaunes dessus.
Mais graves parfois dans leur peau épaisse, tout en haut en plein novembre, ou lorsque le vent écume.
Maison de la poésie Rhône-Alpes, 1996